Arthrose : est‑ce grave ? Est‑ce forcément douloureux ?

Publié le 30 juillet 2025
Temps de lecture : 8 min
Ce que signifie « avoir de l'arthrose »
L'arthrose correspond à des changements structuraux de l'articulation (cartilage, os, membrane synoviale…) qui augmentent avec l'âge et avec certains facteurs (poids, antécédents de traumatisme, sédentarité). Ce n'est pas simplement de "l'usure" : on parle d'une maladie hétérogène, où inflammation de bas grade, mécanique, métabolisme et mode de vie s'entrecroisent. Elle n'est pas toujours grave, mais peut altérer la qualité de vie (douleur, raideur, limitations), d'où l'intérêt d'une prise en charge précoce, active et adaptée. (Hunter & Bierma‑Zeinstra, 2024)
Est‑ce « grave » d'avoir de l'arthrose ?
« Grave » dépend de l'impact dans la vraie vie : sommeil, marche, travail, loisirs. Beaucoup de personnes vivent bien avec une arthrose stabilisée grâce à l'éducation, aux exercices et à la gestion des charges. L'arthrose devient « grave » quand elle désorganise le quotidien malgré un traitement bien conduit ; on discute alors d'options médicamenteuses et parfois chirurgicales (prothèse pour hanche/genou sévères). L'idée clé : plus on agit tôt (bouger, renforcer, gérer son poids, comprendre la douleur), mieux on vit avec l'arthrose.
(NICE, 2022)L'arthrose est‑elle responsable de douleurs ? À quelle proportion ?
Oui… parfois. Le point crucial : structure ≠ symptômes. On peut avoir une arthrose visible à la radio sans douleur, et l'inverse. Dans une grande étude populationnelle, 28 % des participant·e·s avaient une arthrose du genou radiographique, mais seuls 16 % avaient une arthrose symptomatique (arthrose + douleur) : toutes les arthroses radiologiques ne font pas mal. À l'échelle individuelle, la corrélation entre radio et douleur est modeste, d'où l'importance d'écouter le vécu, pas seulement l'imagerie.
(Jordan et al., 2007 ; Bedson & Croft, 2008)Autrement dit : l'arthrose peut être douloureuse, mais pas chez tout le monde. C'est l'une des raisons pour lesquelles on traite la personne, pas "la radio".
(Ueda et al., 2018 ; Bedson & Croft, 2008)Comment soigner l'arthrose ? (ce que disent les recommandations)
Les grandes lignes sont remarquablement cohérentes entre recommandations internationales :
- Éducation & auto‑gestion : comprendre la douleur, savoir doser l'effort, apprendre à reprendre l'activité sans dramatiser les poussées. (NICE, 2022)
- Exercices (renforcement, mobilité, cardio, équilibre) : fortement recommandés pour hanche/genou/main, avec des effets réels sur la douleur et la fonction. (Fransen et al., 2015 ; Fransen et al., 2014 ; ACR/AF, 2020)
- Gestion pondérale en cas de surpoids/obésité : perdre 5–10 % de poids améliore symptômes et biomécanique ; l'association régime + exercice est la plus efficace. (Messier et al., 2013 ; ACR/AF, 2020)
- Antalgiques : d'abord AINS topiques (genou/main), puis AINS oraux en cures courtes selon le profil de risque ; certaines situations peuvent justifier duloxétine (genou). (ACR/AF, 2020 ; NICE, 2022)
- Injections intra‑articulaires : corticoïdes pour un soulagement bref en poussée ; la viscosupplémentation (acide hyaluronique) est déconseillée par l'ACR/AF pour le genou et non recommandée en routine par NICE. (ACR/AF, 2020 ; NICE, 2022)
- Aides techniques (canne du côté opposé, semelles spécifiques, genouillères de décharge, chaussures adaptées) et thérapies physiques (chaleur/froid) selon les besoins. (OARSI, 2019 ; NICE, 2022)
Quand la douleur et la limitation restent invalidantes malgré tout, on discute chirurgie (hanche/genou), après évaluation et décision partagée. (NICE, 2022)
Peut‑on « ralentir » l'arthrose ?
À ce jour, aucun médicament n'a prouvé altérer durablement l'histoire naturelle de la maladie (pas de "pilule miracle" réparatrice). En revanche, certains leviers ralentissent la progression fonctionnelle :
- Perte de poids (si surpoids) : réduit les contraintes au genou (chaque livre/0,45 kg en moins = ≈ 4 fois moins de charge par pas), diminue l'inflammation systémique (IL‑6), et améliore douleur et marche sur 18 mois. (Messier et al., 2005 ; Messier et al., 2013)
- Exercices réguliers : entretiennent force, proprioception, mobilité et qualité du mouvement, facteurs associés à un meilleur pronostic fonctionnel, même si la structure radiographique ne change pas. (Fransen et al., 2015 ; Fransen et al., 2014)
- Santé globale : sommeil, comorbidités, stress — autant de modulateurs de la douleur à travailler. Les données actuelles ne valident pas de « traitement chondroprotecteur » universel. (Hunter & Bierma‑Zeinstra, 2024)
Que peut faire l'ostéopathie pour l'arthrose ?
Les techniques manuelles peuvent apaiser à court terme et faciliter le mouvement, surtout lorsqu'elles s'intègrent à un programme d'exercices. Une synthèse d'essais sur hanche/genou montre qu'ajouter de la thérapie manuelle aux exercices peut procurer un bénéfice initial (douleur/WOMAC) ; au‑delà de 6 mois, pas de bénéfice supplémentaire par rapport aux exercices seuls. En clair : utile comme appoint, pas comme solution durable isolée.

C'est exactement notre philosophie : utiliser les mains pour débloquer, rassurer, moduler la douleur, puis capitaliser via l'activité adaptée. (Runge et al., 2022)
Que peut faire la kinésithérapie contre l'arthrose ?
- Les exercices au sol (land‑based) réduisent la douleur et améliorent la fonction dans la gonarthrose, avec des effets maintenus plusieurs mois après la fin du programme. (Fransen et al., 2015)
- Dans la coxarthrose, les exercices améliorent douleur et fonction. (Fransen et al., 2014)
- Les programmes en piscine sont une option intéressante (tolérance, confiance) ; les méta‑analyses concluent à des bénéfices sur douleur/fonction/qualité de vie, sans supériorité systématique sur l'exercice au sol. (Zhang et al., 2022 ; Cochrane update, 2022)
Les recommandations (ACR/AF 2020, NICE 2022, OARSI 2019) placent la kinésithérapie au cœur du traitement non chirurgical, aux côtés de l'éducation et de la gestion pondérale. (Kolasinski et al., 2020 ; NICE, 2022 ; Bannuru et al., 2019)
« Pourquoi j'ai mal alors que ma radio est "pas si pire" ? »
Parce que la douleur est un signal protecteur qui dépend à la fois de la biologie locale (synovite de bas grade, œdème osseux, état du cartilage), de la mécanique (façon de bouger, charges), et de facteurs généraux Parce que la douleur est un signal protecteur qui dépend à la fois de la biologie locale (synovite de bas grade, œdème osseux, état du cartilage), de la mécanique (façon de bouger, charges), et de facteurs généraux (sommeil, stress, attentes). Les études montrent une discordance fréquente entre imagerie et symptômes : la radio n'explique pas tout, et on peut aller mieux sans "changer" l'image. (Bedson & Croft, 2008 ; Ueda et al., 2018)
Notre manière de travailler (Jacquinot LIN & Victor Aublivé)
Nous posons un cadre clair et pédagogique : anamnèse minutieuse, objectifs réalistes, explications sur bénéfices et limites des techniques, priorité aux exercices et à la non‑dépendance aux séances. Les techniques manuelles sont un outil parmi d'autres, au service d'une reprise autonome et progressive. Quand un·e kinésithérapeute est impliqué·e, nous co‑travaillons (objectifs partagés, messages harmonisés) avec votre accord pour garder une cohérence de suivi. (NICE, 2022 ; OARSI, 2019)
À retenir (messages clés)
- • Avoir de l'arthrose n'est pas "forcément grave" : tout dépend de l'impact au quotidien et de la prise en charge. (NICE, 2022)
- • Douleur et imagerie ne coïncident pas toujours : une partie des personnes avec arthrose radiologique n'ont pas mal, et inversement. (Jordan et al., 2007 ; Bedson & Croft, 2008)
- • Ce qui aide le plus : exercices, perte de poids (si nécessaire), éducation, traitements simples et adaptés. (Fransen et al., 2015 ; ACR/AF, 2020)
- • Ostéopathie : appoint utile à court terme, pas de bénéfice additionnel à long terme vs exercices seuls. (Runge et al., 2022)
- • Kinésithérapie : pilier de la prise en charge non chirurgicale (programme d'exercices individualisé, progressif, expliqué). (NICE, 2022 ; ACR/AF, 2020)
Références principales :
- Bannuru, R. R., Osani, M. C., Vaysbrot, E. E., et al. (2019). OARSI guidelines for the non‑surgical management of knee, hip, and polyarticular osteoarthritis. Osteoarthritis and Cartilage, 27(11), 1578‑1589. (oarsijournal.com)
- Bedson, J., & Croft, P. R. (2008). The discordance between clinical and radiographic knee osteoarthritis. Annals of the Rheumatic Diseases, 67(10), 1583‑1587. (PubMed)
- Fransen, M., McConnell, S., Harmer, A. R., Van der Esch, M., Simic, M., & Bennell, K. L. (2015). Exercise for osteoarthritis of the knee: A Cochrane systematic review. British Journal of Sports Medicine, 49(24), 1554‑1557. (PubMed)
- Fransen, M., McConnell, S., Hernandez‑Molina, G., & Reichenbach, S. (2014). Exercise for osteoarthritis of the hip. Cochrane Database of Systematic Reviews, CD007912. (PubMed)
- Hunter, D. J., & Bierma‑Zeinstra, S. (2024). Osteoarthritis. The Lancet, 403(10432), 1742‑1756. (The Lancet)
- Jordan, J. M., Helmick, C. G., Renner, J. B., et al. (2007). Prevalence of knee symptoms and radiographic and symptomatic knee osteoarthritis. Osteoarthritis and Cartilage, 15(11), 1210‑1217. (PubMed)
- Kolasinski, S. L., Neogi, T., Hochberg, M. C., et al. (2020). 2019 ACR/Arthritis Foundation guideline for the management of osteoarthritis of the hand, hip, and knee. Arthritis Care & Research, 72(2), 149‑162. (PubMed)
- Messier, S. P., Mihalko, S. L., Legault, C., et al. (2013). Effects of intensive diet and exercise on knee joint loads, inflammation, and clinical outcomes in knee osteoarthritis. JAMA, 310(12), 1263‑1273. (PubMed)
- Messier, S. P., Gutekunst, D. J., Davis, C., & DeVita, P. (2005). Weight loss reduces knee‑joint loads in overweight and obese older adults with knee osteoarthritis. Arthritis & Rheumatism, 52(7), 2026‑2032. (PubMed)
- National Institute for Health and Care Excellence (NICE). (2022). Osteoarthritis in over 16s: diagnosis and management (NG226). (NICE)
- Runge, N., Aina, A., & May, S. (2022). The benefits of adding manual therapy to exercise therapy for hip or knee osteoarthritis: A systematic review with meta‑analysis. JOSPT, 52(11), 750‑767. (PubMed)
- Zhang, X., et al. (2022). Overall treatment effects of aquatic physical therapy in knee osteoarthritis: A systematic review and meta‑analysis. Journal of Orthopaedic Surgery and Research, 17, 396. (BioMed Central)
- Cochrane Review – Aquatic exercise (update 2022). Aquatic exercise for the treatment of hip and knee osteoarthritis. Cochrane Database of Systematic Reviews. (PMC)